Réquisition de personnels en grève : comment ça marche ?

Le droit de grève est un droit reconnu par la loi à tous les salariés, à condition que l’arrêt du travail soit total. Aucun service minimum, pas de « grève perlée ».

Dans certains cas, l’État peut vous contraindre, par une réquisition, à travailler. De quoi s’agit-il précisément ? Risquez-vous une sanction si vous vous y opposez ?

Qu’est-ce qu’une réquisition de personnels ?

La réquisition de personnels permet à l’État d’obliger un salarié du secteur privé en grève à reprendre son poste, pour effectuer ne serait-ce qu’un service minimum. C’est une mesure à laquelle les dirigeants recourent lorsqu’ils estiment qu’il y a urgence ou que cette reprise d’activité est nécessaire pour la sécurité publique.

En diverses occasions, l’État a eu recours à cette mesure. En 2010, alors que plus de la moitié des stations-service étaient à court de carburant en raison du blocage des raffineries en grève, le président Nicolas Sarkozy a décidé de réquisitionner des salariés grévistes afin de réapprovisionner les stations. Même chose avec Emmanuel Macron en octobre 2022.

Sur quel fondement légal ?

Une décision de réquisition peut s’appuyer sur deux textes de droit : le Code de la défense et le Code général des collectivités territoriales.

Article L1111-2 du Code de la défense : Le pouvoir exécutif peut mobiliser des personnes et des biens par décret pris en conseil des ministres « en cas de menace portant notamment sur une partie du territoire, sur un secteur de la vie nationale ou sur une fraction de la population ».

Article L.2215-1 du Code général des collectivités territoriales : « En cas d’urgence, lorsque l’atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l’exige, [le représentant de l’État] peut, par arrêté motivé, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l’usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu’à ce que l’atteinte à l’ordre public ait pris fin […] ».

Dans les deux cas cités précédemment, l’État s’est fondé sur ces dernières dispositions, puisqu’on était loin des conditions prévues par le Code de la défense. Ce sont donc les préfets des départements qui ont pris les décisions, sur instructions de l’État.

Peut-on s’opposer à une décision de réquisition ?

Une réquisition de personnels doit être justifiée par une urgence ou un trouble à l’ordre public. Si elle est faite dans les règles, les salariés réquisitionnés ne peuvent s’y opposer. Mais quelles sont les règles ?

La décision de réquisition ne doit pas porter atteinte au droit de grève des salariés. Cette précision a été apportée par la jurisprudence. Un arrêté pris en 2010 par le préfet de Seine-et-Marne réquisitionnait pour la raffinerie de Grandpuits 170 salariés, soit « la quasi-totalité du personnel de la raffinerie ». Saisi par l’intersyndicale de la raffinerie, le tribunal administratif de Melun a suspendu l’arrêté, considérant qu’il portait une « atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève ». Pour le tribunal, en réquisitionnant un tel nombre de salariés, le préfet avait instauré un « service normal ».

Pour que la décision de réquisition soit valide, elle doit donc concerner un nombre très limité de salariés. Selon le Conseil d’État, l’arrêté de réquisition doit se limiter aux strictes « équipes nécessaires » à la reprise d’activité devant permettre de retrouver l’ordre public. L’arrêt du Conseil (Juge des référés, 27/10/2010, n° 343966) précise que, pour valider un arrêté de réquisition, le juge doit apprécier l’exhaustivité des conditions : « Les motifs de la réquisition, sa durée, les prestations requises, les effectifs requis ainsi que leur répartition»

Lorsque toutes ces conditions sont remplies, les salariés concernés par la réquisition peuvent être lourdement sanctionnés s’ils s’opposent à l’arrêté. En effet, le Code des collectivités territoriales précise clairement que « Le refus d’exécuter les mesures prescrites par l’autorité requérante constitue un délit qui est puni de 6 mois d’emprisonnement et de 10 000 € d’amende. » (article L2215-1 du Code général des collectivités territoriales).

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